Enfance

L'enfant ne peut pas attendre, son nom est AUJOURD'HUI. G. Mistral

samedi 30 juillet 2011

Traversée en solitaire... et Aimer de vrai





Pour me faire aimer, j'ai vraiment tout essayé,
J’ai même changé de personnalité,
mais ça n’a rien donné
Pour me faire aimer, j’ai acheté la paix
Même si cette paix me troublait,
Mais ça n’a rien donné
Pour me faire aimer, j’ai pris tous les blâmes sur moi
Même si je n’en étais pas la cause,
Mais ça n’a rien donné

Pour me faire aimer, j’ai tout accepté
Même de pardonner l’impardonnable,
Mais ça n’a rien donné
Pour me faire aimer, j’ai accepté de me faire blesser verbalement
Sans jamais riposter,
J’ai saigné abondamment et j’ai léché mes plaies,
Mais ça n’a rien donné
Pour me faire aimer, j’ai consenti à me faire rabaisser
Plus d’une fois
Mais ça n’a rien donné
Pour me faire aimer, je n’ai rien dit afin de vous protéger
Et j’ai tout enduré,
Mais ça n’a rien donné
Pour me faire aimer, je vous ai comblé de cadeaux
Et vous en avez largement profité,
Mais ça n’a rien donné
Pour me faire aimer, je vous ai donné du temps
Que je n’avais pas,
Mais ça n’a rien donné
Pour me faire aimer, j’ai toujours fait les premiers pas
Même si vous saviez pertinemment que c’était à vous
De les faire
Mais ça n’a rien donné
Pour me faire aimer, j’ai essayé de vous faire comprendre
Tout en douceur, de différentes façons,
Mon besoin de vous, mon besoin de votre amour,
Mais ça n’a rien donné
Pour me faire aimer,
j’ai finalement compris,
Après plusieurs années
de travail acharné,
Que c’est moi que je devais
tout simplement
Aimer…
Auteur inconnu


Si la vie est un problème, il y a des solutions… et l’humain moderne répète en robot docile qu’il « fonctionne » et qu’il « gère » !
Mais si la vie est imprévisible, je peux m’attendre à tout, je dois tout craindre et tout espérer, je peux connaître l’insupportable et l’inouï.
Dans le premier cas, rien ne peut arriver ; dans le second, tout est possible à chaque instant.
Dans le premier cas, je suis sous le régime du connu, du limité ; par la seconde approche, je vis sous le signe du nouveau.
La solitude représente l’épreuve majeure de l’existence humaine. Autrement dit : l’épreuve grâce à laquelle un exemplaire de l’espèce humaine va se constituer sujet, grâce à laquelle un être immature va devenir majeur. Lorsque je dis « épreuve », cela signifie : rencontre, porte, invitation à se connaître, à surmonter le difficile.
Ou bien je reste devant la porte à déplorer ou ressasser, ou bien j’entrouvre la porte, je franchis le seuil et je découvre un espace inexploré, nouveau, en moi et autour de moi. Je me surprends moi-même, je m’étire et m’ébroue au-delà des lisières qui attachaient mes premiers pas d’enfant.
« Connais-toi toi-même… » disait l’inscription delphique et dont on ne cite souvent que la première partie, « et tu connaîtras 1’univers et les dieux », continue le précepte de sagesse. C’est-à-dire : tu sauras, tu expérimenteras que tout est en toi, que tu es immense, que tu héberges l’univers, que le divin est ta véritable nature. Au nom de quoi tu te découvriras véritablement libre — et non pas supérieur ou inférieur aux autres. Libre, donc passant discret.
Saint Antoine, qui fut le premier à vivre en solitaire dans le désert d’Égypte, écrivait dans le même sens : « Celui qui se connaît vraiment n’aura aucun doute sur son essence immortelle. »
C’est ainsi que la voie thérapeutique et la voie initiatique m’apparaissent radicalement différentes et inconciliables.
Soit je refuse l’épreuve — et j’avance toutes les excuses et les justifications pour m’y soustraire -, je veux m’en prémunir ou m’en guérir ; soit j’accepte et j’affronte l’inconnu, sous son aspect terrible ou merveilleux, et l’épreuve qui me fait tout à la fois perdre et acquérir me transforme.
Si je vais du côté de la thérapie, de la cure psychanalytique, c’est pour ne plus souffrir, pour « aller bien » ou « aller mieux ».
Si je m’engage sur la voie initiatique, je ne cherche pas d’abord à rester indemne, en parfaite santé, c’est l’éveil de la conscience et l’expérience personnelle qui s’y attache qui se révèlent inestimables.
Si difficile soit-elle, une épreuve n’est pas une maladie. Il n’existe donc pas de moyens extérieurs d’en venir à bout. Il est du reste caractéristique qu’on n’ait rien trouvé de mieux jusqu’ici que d’abrutir la personne éprouvée par des tranquillisants chimiques, moderne massue pour anéantir la conscience humaine.
La souffrance est un état humain, un état intérieur, un état de l’âme (si tant est que ce terme ait encore quelque valeur dans un monde chimique, neurologique et technologique) et la réduire à une maladie revient encore une fois à court-circuiter l’épreuve, c’est-à-dire les chances de découverte, d’exploration et de questionnement.
Abordée de façon initiatique (initier veut dire « commencer » : c’est un départ, un voyage qui ne finit pas), une difficulté est susceptible de provoquer un éveil, une prise de conscience et un changement important ou radical dans son existence.
L’épreuve n’a pas pour sens la souffrance (ça, c’est le dolorisme, le masochisme sur quoi s’établit le pouvoir des religions et avec quoi jouent toutes les manipulations mentales), mais elle fait toucher en soi à des dimensions insoupçonnées, elle permet d’acquérir ou de développer des qualités et des vertus telles que le courage, la patience, la force, l’endurance, la bienveillance et l’humilité…
L’épreuve que peuvent représenter la perte d’un travail, un divorce, un accident de santé, des soucis financiers, etc. a pour sens aussi de faire disparaître nos chères certitudes, nos habitudes — tout ce qui constitue un faux moi, le restreint et l’asservit ; de faire tomber les masques derrière lesquels nous nous abritions et les images de marque auxquelles nous nous raccrochions.
Toute épreuve décape et dépouille : elle permet de dégager les couches qui obscurcissent notre véritable Moi.
La métaphore qui surgit vient des icônes et des tableaux des Primitifs italiens et flamands : le fond est d’or. Et sur ce fond d’or apparaissent des personnages, des arbres, des oiseaux, du sang aussi, des décapitations, des croix.
Le fond de l’être est d’or.
Voilà où mène l’épreuve, ce que révèle la solitude.
Le fond de l’être est joie, légèreté, fraîcheur, mais il fallait désencombrer la source, quitter les oripeaux, abandonner le « vieil homme », ses souffrances et ses certitudes.
Le fond de l’être est d’or. Infiniment délicat, indestructible et radieux.
Et je peux y avoir accès, je peux renouer avec ce moi intemporel, originel, « primitif », grâce au silence et à la méditation, grâce aux amitiés et aux rencontres amoureuses, par les émotions qui naissent devant la beauté des choses, et aussi par toutes les épreuves et les douleurs qu’offre l’humaine existence.
« Mon poids, c’est mon amour, », notait saint Augustin.
Ma joie c’est ma solitude.
Jacqueline Kelen - L'Esprit de Solitude - La Renaissance du livre



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